A l'heure où la popularité de Serge Gainsbourg ne cesse de grandir, la Cité de la musique à Paris consacre à partir de mardi une exposition-événement à cet "artiste total".
A l'heure où la popularité de Serge Gainsbourg ne cesse de grandir, des terres anglo-saxonnes à l'Asie, la Cité de la Musique à Paris salue son œuvre à compter de mardi 21 octobre.
"Les images, je les ai écrites, plaquées sur des symboles musicaux", disait-il.
L'exposition-événement, accompagnée d'un cycle de concerts et de projections de films, présente les facettes de cet "artiste total".
Cet hommage, rendu à l'auteur de "La Javanaise", n'avait pas de lien au départ avec les 80 ans qu'il aurait dû célébrer cette année, explique l'illustrateur sonore Frédéric Sanchez, commissaire de la manifestation, programmée jusqu'au 1er mars.
Puis, l'évidence a fait le titre de l'expo: "Gainsbourg 2008" ou un certain jeu de correspondance entre l'"importance" actuelle de l'artiste et un rappel de son année de naissance, après soustraction du double 0 (28), mais aussi de dates présentes dans sa musique, de "Ronsard 58" à "69 Année érotique".
Dans un voyage qui s'étend de 1958 à 1989, le visiteur suit l'oeuvre d'un homme qui n'a cessé d'établir des passerelles entre musiques, mots et images.
Il importait de montrer "toute la transversalité de l'artiste" qui, à l'instar de Bob Dylan, David Bowie ou Patti Smith, ne s'est pas cantonné à un domaine unique et a fait partie de ces "catalyseurs des époques", observe Frédéric Sanchez.
Cependant, "même si l'on parle cinéma, littérature, la finalité, c'est la musique", souligne-t-il, espérant amener ainsi tous les publics "à réécouter Serge Gainsbourg avec une autre oreille" grâce à la découverte de son travail artistique, sa "technique d'écriture" et la "force de sa formation classique": des éléments moins connus que sa vie privée, comme ses amours avec Jane Birkin, Brigitte Bardot et Bambou et les scandales autour de Gainsbarre, son double médiatique.
Pour déambuler dans l'univers "gainsbourien", Frédéric Sanchez a imaginé quatre périodes, dans un espace de 500m2 et d'où jaillissent 24 totems, fonctionnant comme autant de supports d'écrits, d'images fixes ou animées, auxquels s'ajoutent des manuscrits, des dessins et des objets, prêtés par des proches de l'artiste.
Sa fille Charlotte a notamment confié au musée la sculpture de Claude Lalanne,
"L'homme à tête de chou", élément fort du décor tapissé de noir du domicile de Gainsbourg, rue de Verneuil et source d'inspiration du concept-album du même nom, sorti en 1976.
En illustration sonore, plusieurs artistes ayant croisé Gainsbourg ont prêté leur voix à la lecture de textes et plus de 300 pochettes de disques ornent les murs d'un petit espace.
Sorte de labyrinthe à jeux de miroirs et en trois dimensions (mots, images, musiques), l'exposition s'ouvre sur la "période bleue" (1958-65), une expression de Gainsbourg pour qualifier la première partie de sa carrière, en allusion à Picasso et à la peinture, un "art majeur" auquel il s'était dans un premier temps destiné.
Du "bleu" au blues, cet espace permet d'évoquer ses parents, Olga et Joseph Ginsburg, la Russie qu'ils ont quittée, leur déracinement, sa naissance le 2 avril 1928 à Paris, ses débuts de pianiste dans des cabarets, cette vie qui l'a poussé à la musique et le choc de sa rencontre avec Boris Vian, l'agitateur touche-à-tout.
Dans ce dédale où les totems offrent quantité de flashes sur sa carrière, la deuxième période tourne autour des "idoles": les vedettes du yé-yé, comme France Gall, Françoise Hardy et des actrices, Brigitte Bardot, Anna Karina ou Valérie Lagrange, pour lesquelles Gainsbourg va composer de 1965 à 1969.
Suit "La Décadanse", un troisième espace-temps (1969-79) avec le scandale provoqué par la diffusion du sulfureux "Je t'aime moi non plus", interprété par Jane Birkin.
L'exposition insiste sur la naissance du couple en 1968, sur le tournage du film "Slogan" de Pierre Grimblat ou sur "L'histoire de Melody Nelson" (1971), un opus qui conte la relation fatale d'un homme mûr avec une jeune fille.
L'expression de Gainsbourg se radicalise à travers trois autres concept-albums, dont "Rock around the Bunker".
En plein mouvement punk, il remonte sur scène en 1978. "Ecce Homo" (1979-1989), l'ultime période, traite des années 1980, marquées par un coup d'éclat, la version reggae de "La Marseillaise" et par l'édition d'"Aux armes et caetera", née en Jamaïque.
Gainsbourg devient une réelle signature et en même temps naît Gainsbarre et ses frasques cathodiques.
Il joue de son personnage, tout en levant un voile pudique sur ses émotions lors de rares interviews-confessions.
Pour Frédéric Sanchez, "montrer Gainsbourg dans un musée, 17 ans après sa mort, c'est presque comme une suite logique à son propre parcours".