Besançon est une ville visiblement catholique ; témoins de l'implantation de l'Église romaine au fil de l'histoire, la cathédrale Saint-Jean, l'église Saint-Pierre, l'église de la Madeleine - parmi d'autres édifices religieux - s'élèvent sur la capitale comtoise. Le judaïsme, explique Sébastien Tank-Storper(1), n'est rendu visible qu'en fonction de la présence des hommes, du peuple juif, « peuple du Livre, du temps, de l'exil »(2).
Rendre compte de la présence juive à Besançon, c'est explorer l'histoire et les traces que la communauté juive a donné à voir d'elle-même : des monuments au cimetière de la rue Anne Frank, en passant par la synagogue et le centre communautaire, la référence à des personnalités marquantes, c'est ainsi de façon multiple qu'il s'agit de la rencontrer.
I. Brèves d'une histoire des Juifs à Besançon
De longue date, la population juive bisontine est implantée dans les quartiers situés à l'extérieur de la boucle du Doubs; les actuels quais de Strasbourg et Veil-Picard, les rues Marulaz et Richebourg, les alentours du fort Griffon et la Grapille de Battant. Déjà au Moyen Âge (XIIIème et XIVème siècles), les sources répertoriées par le rabbin René Gutman mentionnent une « rue des Juifs »(3).
Peu nombreux, ils habitent essentiellement dans l'actuelle rue Richebourg et ont un cimetière porte de Charmont.
Durant le bas Moyen Âge, leur statut se détériore et, au-delà des polémiques doctrinales, ils sont accusés des troubles et calamités du temps (grande peste noire en Europe notamment) et sont frappés d'ostracisme.
C'est à la fin du XVIIIème siècle surtout que l'on retrouve la trace de familles juives à Besançon, subissant les mesures restrictives envers la population juive de l'époque (droit de séjour limité, cantonnement à certains métiers...).
Suite à l'émancipation de 1791 et à la série d'actes législatifs qui reconnaissent aux Juifs la citoyenneté française, la Troisième République transforme le statut des confessions minoritaires par « des critères plus méritocratiques »(4)).
Habitant le quartier d'Arènes, quartier de commerçants et de marchands ambulants essentiellement (colporteurs), la vie des familles juives paraît centrée sur la communauté, autour de la synagogue à l'angle de la rue de la Madeleine et de la rue de Vignier.
Aux alentours de 1850, la population juive de Besançon est plus dispersée dans la ville, partagée entre les quartiers populaires et fréquentés de Battant et de la Madeleine et l'intérieur de la boucle du Doubs (Grande-Rue notamment).
Cette nouvelle répartition par quartier marque les différences sociales; « les négociants, les riches artisans, les professions libérales, les rentiers et les propriétaires résidaient principalement à l'intérieur de la boucle »(5)).
Quittant ainsi Battant et la Madeleine pour les deux grandes artères du centre-ville (Grande-Rue et rue des Granges), une partie de la population juive marque sa réussite économique et, plus implicitement, sa volonté d'être reconnue et intégrée à la société bourgeoise bisontine comme à la modernité de l'époque, privilège des plus aisés.
Cette intégration est aussi le signe d'un éloignement de la vie communautaire juive et de la pratique religieuse.
Au contraire, les journaliers, colporteurs et brocanteurs aux revenus plus précaires, résident à l'extérieur de la boucle, là où les traditions juives restent les plus vivaces.
Plus tard, dans l'entre-deux-guerres, les Révolutions russes, la croissance de l'antisémitisme en Europe centrale, puis la montée du nazisme en Allemagne poussent les populations juives d'Europe centre-orientale à migrer vers l'ouest.
À Besançon, ces nouveaux arrivants s'installent aux alentours des rues Battant et Bersot, pour ensuite se diriger vers le centre-ville.
Pourtant, si la communauté juive est fondue dans la ville, elle reste présente par son implication culturelle s'exprimant à travers le centre communautaire « Maison Jérôme Cahen(6)) »
Ouvert dans les années 1970, le centre organise et concentre les actions communautaires; repas shabbatiques, répétition de théâtre, cours de Talmud-Torah...
L'espace est ouvert à toutes les associations juives telles que l'Association Culturelle Israélite, les Amitiés judéo-chrétiennes, les Éclaireurs Israélites de France, etc. ainsi, l'enseignement religieux est assuré, tout comme les cours d'hébreu moderne et même un approvisionnement en produits cashers.
(1) Sébastien Tank-Storper, « En quête d'une « urbanité » juive: une promenade dans la ville », dans l'ouvrage Quand Besançon se donne à lire. Essais d'anthropologie urbaine, Anne Raulin (dir.), L'Harmattan, Collection Dossiers Sciences Humaines et Sociales, Paris, 1999, p. 35 à 54.
(2) Sébastien Tank-Storper, « En quête d'une « urbanité » juive: une promenade dans la ville », op. cit., p. 35.
(3) Documents Choisis par René Gutman, Centenaire du consistoire israélite de Besançon, J. Berda, Besançon, 1982, cité dans l'article de Sébastien Tank-Storper, « En quête d'une « urbanité » juive: une promenade dans la ville », op. cit., p. 46. Si la « rue des Juifs » est mentionnée, il n'est pas possible d'en définir son emplacement exact.
(4) Pierre Birnbaum, Les Fous de la République, histoire politique des Juifs d'État de Gambetta à Vichy, Fayard, Paris, 1992, p. 7.
(5) Sébastien Tank-Storper, « En quête d'une « urbanité » juive: une promenade dans la ville », op. cit., p. 46.
(6) En hommage au rabbin de Besançon exerçant dans les années 1960.
La communauté juive de Besançon a laissé des traces sensibles de sa présence dans la ville comme le révèle le monument Veil-Picard de la place Granvelle dont l'inscription rend hommage au « bienfaiteur Adolphe Veil-Picard »(8)). Installée depuis 1922 1822. à Besançon, la famille Veil-Picard(9)) voit ses affaires prospérer et se diversifier. C'est en 1846 que Aaron Veil-Picard et son fils, Adolphe, fondent une société de banque avec Régis Girardot, financier: « grâce à cette institution, il facilite l'installation à Besançon d'une succursale de la Banque de France dont il devient l'un des administrateurs »(10)).
L'ouverture d'une caisse d'épargne municipale lui permet de prêter de l'argent aux maisons de commerce locales lors de la crise de 1848(11)), les sauvant ainsi de la faillite. Parallèlement à ses actions de banquiers, Aaron Veil-Picard subventionne des travaux dans la ville : agrandissement de l'hôpital Saint-Jacques, construction de l'actuel quai de Strasbourg, etc. Par la suite, son fils, Adolphe (1824-1877) prend la direction de la banque paternelle qui devient la « Banque Adolphe Veil-Picard et Cie ».
Cette entreprise prospère participe au développement de l'horlogerie à Besançon et de l'industrie locale en général. Outre ses fonctions publiques et honorifiques, Adolphe Veil-Picard s'illustre par ses dons et actions charitables.
C'est ainsi que la ville se voit attribuer une somme importante pour la construction du Quai d'Arènes (actuel quai Veil-Picard) et un don pour l'aménagement de la place Bacchus.
Il aide également à l'installation de canalisations d'eau en banlieue et permet, par un financement, le début des recherches archéologiques du Square Castan. De la même manière, il finance -entre autres- la construction de l'asile Saint-Paul, la restauration des écoles de Saint-Ferjeux et aide à la création de bibliothèques. Dans le passé, au lendemain de la seconde Guerre mondiale, le bâtiment de la Vieille Intendance qui sert en partie de local à la banque de la famille Veil-Picard, est vendu à la famille Weil, membre de la communauté juive de Besançon.
Ce bâtiment qui « vit naître les plus florissantes entreprises de la ville »
(12) (
banque, ateliers LIP, ateliers de confection) loge alors les vêtements Weil, l'une des plus importantes entreprises de confection pour homme françaises.
La maison Weil, installée à Besançon depuis 1872 et fondée par Joseph Weil, se lance dans la confection industrielle en 1878. Elle ne cessera de s'agrandir jusqu'à devenir la plus grosse entreprise de confection pour homme de France en 1965 et devra quitter le centre-ville pour le quartier de Chaillot à Fontaine -Ecu.
Une inscription dans la géographie de la villeLa synagogue de Besançon, bâtiment consacré au culte israélite, est inaugurée le 18 novembre 1869 en présence d'une foule nombreuse et de personnalités officielles.
Elle vient alors remplacer la synagogue de Charmont, trop étroite pour une communauté de 600 personnes environ en ce milieu de XIXème siècle.
La communauté accepte alors de couvrir les frais nécessaires à la construction d'un nouveau lieu de culte en échange d'un terrain. La municipalité propose tout d'abord une place square Saint-Amour mais se heurte au refus des habitants.
Le second choix sera le quai de Napoléon (actuel quai de Strasbourg), au sein du quartier Battant.
D'une architecture arabo-mauresque(13) propre à l'engouement orientaliste du XIXème siècle, la synagogue est dotée d'une grille offerte par Adolphe Veil-Picard en 1869 et, si le nombre de pratiquants et habitués est en baisse, elle reste un lieu très fréquenté lors des offices de Pessah (la Pâque) et de Kippour (jour d'expiation et de pardon consacré à la prière et à la pénitence(14).
Le cimetière de la communauté juive de Besançon se trouve en contrebas de Palente, rue Anne Franck. Sa partie la plus ancienne est acquise par la communauté en 1796 par deux notables, Nathan Lippmann et Pierre Picard, chargés d'obtenir une propriété aux alentours de la ville où la population juive serait libre d'enterrer ses morts. Une parcelle supplémentaire y est ajoutée en 1839 tandis que le Consistoire Israélite de Besançon se charge d'acquérir une terre adjacente pour y construire une maison de gardien.
Le cimetière recueille les sépultures des membres de la communauté dont les plus anciennes et les plus modestes datent de 1849.
Celles-ci côtoient les caveaux imposants des riches familles Veil-Picard, Picard, Hauser-Picard et le mausolée de la famille Haas(15).
Les tombes les plus récentes éclairent sur les migrations nouvelles ; les noms séfarades (originaires d'Afrique du Nord) se mêlent alors aux noms d'origine ashkénaze (d'Europe occidentale et centrale).
Enfin, un monument aux morts est érigé à la mémoire des membres de la population juive bisontine tués au combat pendant la Première Guerre mondiale.
L'implantation juive à Besançon, passée et présente, marque des territoires différents ; à la boucle du Doubs, territoire de l'économie, de la finance (où les Juifs s'intégreront à la société dominante et participeront à la vie de la cité en étant des acteurs primordiaux de son développement économique et urbain(16) s'oppose l'espace du religieux, de la vie communautaire autour de la synagogue, des anciens cimetière et « quartier juif » médiévaux. L'époque contemporaine est marquée par une affirmation culturelle comme un par un regain cultuel.
La population juive s'exprime ainsi, au fil du temps, en cette succession de pratiques différentes qui s'articulent et cohabitent à Besançon.
(7) Sébastien Tank-Storper, « En quête d'une « urbanité » juive: une promenade dans la ville », op. cit.
(8) (9L'inscription exacte est: « Au bienfaiteur Adolphe Veil-Picard, ses concitoyens ».
(9) Aaron Veil-Picard et son épouse Pauline Hauser-Picard possèdent alors un commerce d'étoffe Grande-Rue.
(10) Sébastien Tank-Storper, « En quête d'une « urbanité » juive: une promenade dans la ville », op. cit., p. 38.
(11) La révolution de 1848 est précédée par une crise du monde agricole et une déstabilisation des milieux financiers et industriels.
(12) Sébastien Tank-Storper, « En quête d'une « urbanité » juive: une promenade dans la ville », op. cit., p. 40.
(13) La conception du bâtiment est déléguée à l'architecte Marnotte.
(14) Sébastien Tank-Storper, « En quête d'une « urbanité » juive: une promenade dans la ville », op. cit., p. 45.
(15) Emmanuel Hass a été vice-président du Consistoire Israélite de Besançon.
(16) Sébastien Tank-Storper, « En quête d'une « urbanité » juive: une promenade dans la ville », op. cit., p. 51. HISTOIRE
Au 14ème siècle, Besançon et ses environs sont une place privilégiée sur les routes de commerce entre l’Italie et l’Allemagne.
Aussi le gouvernement communal accorde aux juifs des autorisations de séjour moyennant un droit “d’entrage” et un “cens annuel”.
Si bien qu’en 1393, on trouve installées 12 familles juives qui entretiennent Joseph de Trèves pour “maistre de leur escole”.
L’année suivante, le roi Charles VI expulse les juifs de ses états. Le Duc Philippe le Hardi en fait de même pour son Duché de Bourgogne.
Mais Besançon est ville impériale : elle n’est pas touchée par ces mesures et sert de ville de refuge aux juifs expulsés des états voisins.
Le premier cimetière juif est situé à Calmoutier au nord de la cité : les membres de la communauté sont bouchers, banquiers, orfèvres. A plusieurs reprises, les plus riches d’entre eux avancent de l’argent à la Cité.
En 1465, la municipalité vend le terrain communal qui sert de cimetière aux juifs : c’est la fin de la communauté médiévale.
En 1693, les registres de délibérations municipales indiquent qu’il est interdit aux marchands juifs de fréquenter la ville sans s’être déclarés.
Ils ne peuvent y séjourner plus de trois jours consécutifs, ni faire aucune vente sans l’assistance de l’un des syndics municipaux.
En 1736, pour 8 jours de Mai, deux Juifs de Metz reçoivent l’autorisation de “trafiquer” (commercer).
En 1754, une tolérance de quelques mois de séjour est faite aux juifs Vidal, marchands de soieries (ils ont offert de verser à la caisse municipale le 2 du cent).
En 1768, la permission est donnée au juif Salomon SAX, graveur en pierre fines, d’exercer son art à Besançon “à charge pour lui de se renfermer dans sa profession et de ne faire aucun commerce”.
Au début de la Révolution Française, il est toujours interdit aux juifs de séjourner plus de trois jours à Besançon.
En Décembre 1790, Antoine Melchior NODIER (père de l’écrivain), Maire de Besançon, expulse par exploit d’huissier les Juifs WOLF et CAÏN pour avoir commercé plus longtemps, et il est approuvé par la municipalité.
Mais le 27 Septembre 1791, les juifs obtiennent la citoyenneté française par décret, sous condition de prestation du serment civique.
Des pogromes éclatent alors en Alsace : des juifs sont pendus aux crocs des boucheries. Les survivants fuient vers le sud et quelques familles s’installent à Besançon.
En 1792, ces familles adressent à la municipalité une pétition en vue d’obtenir une synagogue. Elles obtiennent peu après l’autorisation de se réunir dans l’ancien couvent des Cordeliers (à la place du Collège St-François Xavier, devenu le Lycée Pasteur).
Très vite, ces familles sont attaquées par le journal jacobin “La Vedette” qui leur reproche leur fidélité au judaïsme ; ces familles chôment le jour de Chabbat et travaillent les Décadis. En 1793, comme les catholiques, ils sont contraints de fermer leur lieu de prières.
CREATION DU CONSISTOIRE DE BESANÇON
En 1808, la structure des communautés juives est profondément modifiée suite à la création d’une organisation centralisée à laquelle adhèrent les différentes communautés.
Par décret du 24 Août 1857, la communauté de Besançon est rattachée au consistoire de Lyon, après avoir un temps été affiliée à la circonscription consistoriale de Nancy.
La nombre de familles juives s’installant à Besançon augmentant, il est crée un “siège rabbinique” par décret impérial du 1er Août 1864.
Le 13 Janvier 1881 est créé un Consistoire pour le Doubs et le Jura, regroupant les communautés de Montbéliard, l’Isle-sur-le Doubs, Baume-les-Dames, Dole et Lons-le-Saunier.
Le premier Grand Rabbin est Jacques Auscher, précédemment rabbin communal à Saint-Etienne. A son arrivée, il trouve une petite synagogue qu’une centaine de juifs parmi les plus fortunés avaient fait aménager en 1831 par l’architecte municipal Marnotte.
Elle était située au 19 rue de la Madeleine, avec une façade caractérisée par des fenêtres ogivales encore bien conservées.
Vu l’état de vétusté de cette synagogue, et tenant compte de l’accroissement du nombre de juifs à Besançon (120 familles représentant 650 personnes), le Rabbin Auscher et le Consistoire de Besançon donnent la priorité à la construction d’une nouvelle synagogue.
Le 17 Octobre 1865, le Consistoire décide l’acquisition d’un terrain à l’angle des rue Morand et Proudhon, dans le nouveau quartier du Clos St-Amour. Un plan de synagogue est dressé par M. Hirsch, architecte lyonnais.
Les propriétaires des terrains voisins manifestent leur opposition à ce projet, arguant que les terrains doivent être uniquement affectés à de l’habitation...
Le Conseil municipal demande alors à la Communauté de rechercher un autre emplacement pour sa synagogue.
A la même époque, la ville entreprend la construction du Quai Napoléon.
A la suite d’une transaction avec la ville et le propriétaire d’une fabrique de bougies qui devait déménager par suite de l’exhaussement du sol, le Consistoire s’engage à construire à ses frais “un temple suffisant pour le présent et l’avenir”.
Un décret impérial du 22 Mai 1867 autorise l’acquisition du terrain, et la Communauté confie à l’architecte bisontin Marnotte le soin de dresser “un monument de style mauresque”.
Après un premier projet jugé trop onéreux par la ville, un second projet d’un montant de 94.349,55 francs est accepté “non compris les dépenses supplémentaires occasionnées par les décorations de la façade destinées, à la demande de la municipalité, à embellir le nouveau Quai Napoléon...”.
La dépense totale s’éleva à 145.105,90 francs dont une participation de l’Etat de 10.000 francs.
Une souscription est ouverte par la communauté juive et rapporte 70.000 francs (dont 20.000 francs de la famille Veil-Picard). Un emprunt de 70.000 francs complète le financement. Un legs d’Alexandre Lipman permettra le paiement d’une partie des intérêts de l’emprunt qui représente une lourde charge pour la Communauté.
Le 18 Novembre 1869, la synagogue est inaugurée “au milieu d’un grand concours de peuple”.
A cette occasion, le banquier Veil-Picard met à la disposition de la Société de Bienfaisance de la Communauté, une somme de 1.000 francs “pour des distributions de viande aux familles indigentes catholiques et protestantes de la ville, le jour de la cérémonie”.
Ce généreux mécène fait également un don pour réaliser la grille qui entoure la synagogue.
Lors de l’inauguration, le Grand Rabbin de Besançon Jacques Auscher prononçe un discours qui fut imprimé sous le titre “L’avenir d’Israël”.
Le Quai Napoléon est devenu le Quai de Strasbourg. Après plus d’un siècle, l’imposante et originale construction qui a traversé sans encombre l’époque troublée de l’Occupation, dresse toujours sa façade “mauresque” le long du Doubs.
LA SYNAGOGUE DE BESANÇON
Celui qui découvre pour la première fois la façade de la synagogue est souvent perplexe quant à la destination de ce bâtiment.
Si ce n’était les Tables de la Loi sculptées qui ornent son fronton, aucun autre élément architectural ne fait référence au judaïsme.
La communauté juive avait demandé à l’architecte bisontin Marnotte de dresser les plans d’une synagogue “de style mauresque”.
Le premier projet de synagogue qui devait se construire au Clos St-Amour était d’une facture néo-classique, à l’image de nombreuses synagogues construites à l’époque en France.
Nous ne connaissons pas les raisons qui ont conduit la communauté de Besançon à ce choix stylistique étonnant, unique en Europe.
Les coupoles, les frises sculptées de motifs géométriques, sont des éléments architecturaux inspirés de ceux que l’on trouve sur certaines mosquées.
On entre dans la vestibule par un portail à deux vantaux ornés de vitraux dans leur partie supérieure.
De chaque côté du vestibule, un escalier mène aux galeries réservées aux femmes.
La galerie des femmes, qui fait partie intégrante de beaucoup de synagogues de l’époque moderne, n’existait pas toujours dans les synagogues antiques et médiévales.
On ne connaît pas les origines exactes de la séparation des hommes et des femmes pour la prière.
Dans le Temple, l’Ezrat Nachim - le secteur des femmes - ne leur était pas exclusivement réservé. C’était le secteur au-delà duquel les femmes ne pouvaient aller.
Dans les synagogues antiques, le secteur des femmes était sur le même plan et derrière celui des hommes.
Dans le judaïsme, la femme n’est pas astreinte aux horaires des offices de la synagogue, en raison de ses responsabilités familiales. Dans les temps anciens, les femmes ne se rendaient pas souvent dans les synagogues. Au fil des siècles, elles ont été de plus en plus nombreuses à venir prier, souvent accompagnées de leurs enfants.
On en vint progressivement à ajouter une salle pour les femmes, contiguë à celle des hommes, ou à construire des galeries pour les femmes.
C’est cette disposition que l’on retrouve dans la plupart des synagogues construites au 19ème siècle en France.
La balustrade de la galerie des femmes en bois peint est sculptée et ajourée suivant un motif étoilé que l’on retrouve dans d’autres parties de la synagogue.
Le type et la position du mobilier dans une synagogue ont autant évolué au cours des âges que son plan et son aspect extérieur.
L’arche (Aron Hakodech) et l’estrade (Bima) de la synagogue de Besançon sont accolées ; dans d’autres synagogues, la Bima est centrale, ou placée contre le mur opposé à l’arche.
L’ARCHE OU ARON HAKODECH
Lorsque, vers le 4ème siècle, l’arche devint un élément central et fixe de la synagogue, elle fut placée sur le mur Est, tournée vers Jérusalem.
Les prières étaient ainsi récitées en faisant face aux rouleaux de la Tora.
L’arche appelée Aron Hakodech est la partie la plus importante de la synagogue, l’objet de vénération de la communauté.
C’est là que la Communauté place les rouleaux de la Tora, qui sont sortis pour la lecture publique de la Loi.
La décoration de l’arche est éblouissante.
Le style est composite, avec des réminiscences de temples orientaux, des décors aux couleurs vives.
LE NER-TAMID
Une lumière suspendue devant l’arche brille sans interruption : c’est le Ner-Tamid (la lumière éternelle) qui symbolise la lumière éternelle du Temple de Jérusalem.
LA TEVA
Le terme Téva désigne le “coffre” dans lequel sont placés les rouleaux de la Loi.
La Téva de Besançon est une armoire en bois aux portes coulissantes sculptées et peintes pour rendre un effet de ferronnerie polychrome.
La Téva est placée dans une niche construite dans le mur.
Elle est isolée de la synagogue par un rideau appelé Paro’het.
(Dans le Temple de Jérusalem, le Paro’het séparait le Kodech Hakodachim - Saint des Saints - des autres salles).
La Téva renferme de nombreux rouleaux de la Tora, “trésor” de la Communauté.
Ceux-ci ont été sauvés de la destruction pendant l’occupation allemande grâce aux efforts conjugués de l’archevêque de Besançon, Mgr Dubourg, de son ami d’enfance le Dr Maxime Druhen et du Chanoine Rémillet, curé de l’église Sainte-Madeleine.
Ils cachèrent les précieux rouleaux de la Tora dans l’ouvroir de l’église jusqu’à la Libération.
Ils ont ainsi protégé de l’abandon et de la profanation les rouleaux de la Tora, fondements du judaïsme.
Leur action courageuse et généreuse fut un geste de fraternité à l’égard de notre communauté.
A l’occasion du 125ème anniversaire de notre synagogue, nous tenons à saluer leur mémoire.
LA BIMA
L’estrade devant l’arche est appelé Bima.
Sur la Bima est située une table inclinée devant laquelle se tient l’officiant.
C’est aussi sur cette table que l’on pose le rouleau de la Loi pour sa lecture.
(Cette table doit son origine à la plate-forme qui, pendant la période du Temple, servait à la lecture publique de la Loi).
L’accès à la Bima se fait par deux escaliers situés aux extrémités d’une balustrade en bois sculpté. Le rabbin s’adresse aux fidèles d’une chaire située au milieu de cette balustrade.
SIEGES, COUPOLES ET VITRAUX
Le plan de la synagogue de Besançon est caractéristique des synagogues françaises du 19ème siècle.
LES SIEGES
Les sièges en bois des fidèles sont disposés de part et d’autre d’une allée centrale face à l’arche.
Selon une ancienne tradition, certains sièges - ceux situés près de l’arche - sont considérés comme plus prestigieux que les autres, car situés plus près des rouleaux de la Loi.
A Besançon, deux places d’honneur encadrent l’arche : le siège à gauche de l’arche est réservé au Rabbin, celui à droite au président de la Communauté.
Deux “box”” situés de part et d’autre de la Téva sont réservés aux membres du Comité de la synagogue .
LES COUPOLES
L’éclairage naturel de l’édifice est assuré par cinq coupoles vitrées disposées suivant l’axe central.
La pierre utilisée pour les piliers, d’une couleur beige et bleue, est ainsi bien mise en valeur. Elle est caractéristique de nombreux édifices construits à la même époque à Besançon.
LES VITRAUX
Une maxime talmudique dit que l’on ne doit prier que dans un lieu comportant des fenêtres, de façon à voir le ciel ; d’après le Zohar, une synagogue doit comporter douze fenêtres.
24 vitraux de différentes formes aux motifs étoilés colorent les murs de la synagogue sur les deux niveaux, ainsi que le vestibule et les escaliers d’accès aux galeries.
Les coupoles et les vitraux éclairent la synagogue de Besançon d’une douce lumière, propice à la prière.
Informations Pratiques
Centre Communautaire "Maison Jérome Cahen" 10 rue Grosjean 25000 Besançon Tel et Fax : 81.80.82.82
Synagogue 23c quai de Strasbourg 25000 Besançon
Voir en ligne : Judaicultures.info