La collection Chtchoukine est un' 
exposition-événement à la Fondation Louis Vuitton à Paris pour découvrir
 130 chefs-d’œuvre de l'art moderne.
Plus d'un million de visiteurs ont pu admirer l’exposition "Icônes de l'Art Moderne" qui vient d’être prolongée jusqu’au 5 mars, suite à l' énorme succès auprès du public. 
 
Toute une salle aux murs couverts de toiles de Matisse, une autre où 
sont rassemblées les Tahitiennes de Gauguin, des paysages signés Monet, 
Cézanne, Derain et tant d'autres : Picasso, Seurat, d'Edward Burne-Jones, Eugène Carrière, Gustave Courbet, Maurice Denis, Edgar Degas... 
Quatre étages, avec des tableaux dont 
certains n'étaient plus revenus en France depuis cent ans, depuis que 
Sergueï Chtchoukine les a achetés, entre 1898 et 1914. 

 
Les Chtchoukine, une famille de collectionneur d’art
Sergueï Chtchoukine est un grand industriel russe du textile. Dans sa
 famille, on est collectionneur d'art, car c'est un marqueur social. 
 Lui, francophone, choisit de se distinguer en montant une collection 
d'art contemporain français.
« La Russie est très francophone, très francophile, remarque Anne Baldassari, la commissaire de l'exposition. 
Cette collection, ça lui semble, à l’époque, ce qu’on pouvait faire de 
mieux à Moscou. Moscou est surtout chic. 
Ceci dit, c’est une collection 
d’impressionnistes, de post-impressionnistes et des avant-gardes 
françaises qu’il va créer. Et là, cela va être beaucoup moins facile à 
défendre pour lui. Il sera beaucoup critiqué. 
La vox populi chic 
considère qu’il est entre les mains des marchands parisiens et qu’il est
 mené aveuglément à produire une collection qui est insensée, selon les 
critères de l’époque. » 
Bouleversé par Matisse et Picasso, il achète leurs œuvres.
Au début, lors de ses premiers voyages à Paris, Chtchoukine est guidé
 par son intérêt pour les impressionnistes, notamment pour Monet, à qui 
il va acheter 13 tableaux. 
Et puis, chaque fois qu'il est bouleversé par
 une œuvre, il l'achète, pas forcément tout de suite, mais il va ainsi 
reconstituer chez lui une exposition des toiles de Gauguin quelques 
années après l'avoir vue. 
Enfin, Chtchoukine se lie avec des artistes 
dont il suit le travail. 
Il achètera 50 Picasso, 38 Matisse... 
Chtchoukine se caractérise par sa fidélité aux artistes, même dans la
 tourmente, comme lorsqu'il commande à Matisse, pour décorer son 
escalier, ces deux célèbres tableaux, La Danse et La Musique, où apparaissent des corps nus, rouges, sur fond vert et bleu...
 
« Je dois être plus courageux »
"La Danse et La Musique" ont fait scandale à Paris, au Salon d’Automne de 1910, quand elles ont été présentées, raconte Anne Baldassari. 
Cela avait provoqué un tollé général. Chtchoukine avait failli renoncer
 à son acquisition. 
Il commence annuler sa commande, parce qu’il a peur 
face à la réaction parisienne. Et puis, il l’écrit à Matisse dans le 
train qui le ramène en Russie, il dit : j’ai honte, je dois être plus 
courageux. Je dois être capable de vous défendre. 
Je confirme ma 
commande. Et finalement, les tableaux vont arriver à Moscou. Et là, cela
 va être terrible. 
Cela va être devenir un objet de moquerie générale. 
Cela montre cette fidélité de Chtchoukine à Matisse. »
Sergueï Chtchoukine expose donc tous ces tableaux 
chez lui. Ils sont même un peu entassés dans son Palais Troubetskoï.  
On 
le voit sur une photo d’époque : 50 toiles sur les murs d'un cabinet de 
25 mètres carrés ! 
C'est après une succession de drames personnels en 
1905-1906 qu'il a l'idée d'ouvrir ses portes au public.
Transformer le chagrin en collection d’art
« Sergueï Chtchoukine a quatre enfants, explique son petit-fils, André-Marc Delocque-Fourcaud. 
Le plus petit, à 17 ans, disparaît. 
Six mois plus tard, la femme de 
Chtchoukine meurt littéralement de chagrin. 
C’est ça qui va totalement 
changer le regard de Chtchoukine : cette collection mondaine va devenir 
pratiquement une cure contre le malheur. 
Et comme il ne veut pas 
souffrir, il va agir. 
Il réagit en tant que patron et se dit : je vais 
faire quelque chose. 
Alors il va créer un musée d’art moderne. 
Un an 
plus tard, il ouvre sa demeure et commence par la salle à manger à 
aligner un panorama de 16 Gauguin sur le mur de la salle à manger, parce
 qu’il a une logique de musée. »
Sergueï Chtchoukine et les avant-gardes russes
 Du coup, Chtchoukine va avoir une réelle influence sur les jeunes 
artistes russes de l'époque. 
Et pour le montrer, l'exposition confronte 
les œuvres d'artistes russes comme Malevitch aux toiles cubistes de 
Picasso.
« Les œuvres de Matisse et Picasso ne sont pas présentées à Paris.
 Depuis l’atelier, ils vont directement à Moscou. 
Et cette peinture 
encore fraîche arrive à Moscou et va y mettre le feu à ces jeunes 
peintres qui vont porter à ce qu’on appelle aujourd’hui ‘les 
avant-gardes russes’. 
C’est chez Chtchoukine que cela se passe. 
C’est 
lui qui accueille ces jeunes peintres, il les guide dans sa collection. 
Et il va également acheter des œuvres pour eux. Pour nourrir ce feu. » Tout ceci s'arrête avec la guerre, puis la révolution de 1917. 
Chtchoukine, le collectionneur, visionnaire, laisse ses tableaux 
derrière lui en quittant la Russie. 
Nationalisés, ils sont depuis 70 ans
 dispersés entre le Musée Pouchkine et l'Ermitage. 
C'est la première 
fois qu'elles sont à nouveau rassemblées en un même lieu.
Jusqu’au 5 mars 2017 à la Fondation Louis Vuitton à Paris.