Dans le livre il revient sur 4 décennies de défilés.
Qu’est-ce qui selon vous caractérise chacune d’elles ?
Les années 70 se caractérisent par une grande vague de démocratisation de la mode qui s’adresse au plus grand nombre. C’est le succès de Saint Laurent et l’émergence de Miyake, les pionniers du prêt-à-porter qui vont œuvrer pour faire une mode de consommation.
Les années 80 sont à la mode ce qu’était la nouvelle vague aux années 60, tout est possible !
Le créateur est propulsé par l’envie de faire ou de créer, le plus important c’était d’en être.
C’est l’avènement de Gaultier, de Karl chez Chanel et de Lacroix.
Les années 90 sont caractérisées par la professionnalisation de la création. Les réseaux de vente, de distribution se mettent en place.
C’est la naissance de l’industrie de la mode, du monopole des groupes de luxe.
C’est aussi une époque teintée de minimalisme avec l’arrivée de Martin Margiela. Les années 2000 quant à elles vont au delà de la professionnalisation mais c’est aussi une ère de surprises avec la mise en avant de créateurs comme Nicolas Ghesquière et Alber Elbaz qui vont redimensionner le monde de la mode.
Que pensez-vous de ce monopole des grands groupes du luxe que vous évoquez ?
Je pense que toute mode à son effet boomerang et j’espère que l’hégémonie des groupes de luxe va trouver ses limites. J’aime l’idée que d’autres créateurs se servent de leur nom pour soutenir d’autres créateurs, à l’image de Rei kawabuko (Comme des Garçons).
C’est un bon exemple qui va à contre courant et que les groupes, tel LVMH, devraient suivre. Nous sommes, comme dans les années 90, dans une ère de surconsommation, trop de vêtements nuit à la mode et aux créateurs qui ne peuvent se distinguer.
On est dans une période de vulgarisation des créateurs au lieu d’en faire des auteurs.
Une belle exception, tout de même avec le cas Ghesquière, qui semble tenir tête à Pinault.
HISTOIRE IDÉALE DE LA MODE CONTEMPORAINE
Les plus beaux défilés de 1970 à nos jours Olivier Saillard 45 euros, Edtions Textuel.
Olivier Saillard sera Commissaire de l’exposition « Histoire idéale de la mode Contemporaine» de mars 2010 à février 2011 au Musée des Arts Décoratifs à Paris.
Quels sont les créateurs et marques qui ont marqués ces 40 années ?
Pour les années 70, sans conteste Yves Saint Laurent, c’était le maître absolu que toute la jeune génération prenait pour exemple.
En 80, Gaultier, Mugler, sont les créateurs phares, avec les Japonais bien sûr.
Côté maison de couture, c’est la renaissance de Chanel avec l’arrivée à la direction artistique de Karl Lagerfeld en 1983.
Pour les années 90, c’est plus difficile, on peut citer Martin Margiela et Azzedine Alaïa, qui exprime à cette époque le meilleur de lui-même.
Côté marques, Prada, Jil Sander, Helmut Lang émergent et vont dicter la marche à suivre.
Dans les années 2000, impossible de passer à côté de Nicolas Ghesquière qui a réussi à porter aux nues une maison que plus personne ne voulait.
Dior ultra présent également, reflète l’ambiguïté du milieu de la mode que je n’approuve pas : combinant des actions purement marketing et des collections très intéressantes de Galliano.
Qu’avez-vous retenu des derniers défilés ? Lesquels auraient pu faire parti de votre livre ?
Raf Simmons pour Jil Sander, ma collection préférée et aussi Phoebe Philo pour Céline à la fois minimaliste et neuf, complètement Céline.
Chaque année on dit que la mode s’inspire d’une décennie précédente… la mode est-elle un eternel recommencement ?
Les citations au passé sont inhérentes à la mode.
C’est un éternel recommencement des choses, c’est le poison et son antidote.
Il ne faut pas se laisser submerger par le passé mais en prendre possession, c’est un vocabulaire, une connaissance qu’il faut apprendre.