Très développée en Amérique du Nord, l’enquête client-mystère, ou Mystery Shopping, se pratique de plus en plus en France auprès notamment des structures ayant beaucoup de points de contact avec leurs clients.
Qui n’a jamais entendu parler des fameux enquêteurs du guide Michelin, sillonnant depuis les années 30 les hôtels et restaurants de France pour les évaluer, en se faisant passer pour des clients “normaux” et ce, au moins jusqu’à la fin de leur repas ou de leur séjour.
Cette démarche, qui permet d’apprécier le service rendu du point du vue du client, est de plus en plus utilisée en France pour tester des points de contact avec la clientèle (magasins, agences, SAV...).
L'avis de l'expert
Charte internationale des études sociales et marketing
Facile à mettre en oeuvre, elle permet, si elle est bien pratiquée, d’obtenir rapidement une mesure fiable de la qualité de service et des informations précises qu’il est difficile d’obtenir dans le cadre des enquêtes de satisfaction classiques auprès de la clientèle (plus coûteuses, plus complexes et moins rapides à mettre en oeuvre). Universelle, elle se pratique aussi bien dans les secteurs marchands (banques, distribution, hôtellerie et restauration, services aux particuliers...) que dans les administrations et les services publics.
Préparation du protocole d’enquête
Si on essaye de le formaliser, l’objectif d’une enquête client-mystère est d’améliorer la qualité de service au client, en comparant ses performances réelles aux objectifs initiaux et aux normes de la profession.
La mesure effectuée dans les différents points de contact avec la clientèle permet d’évaluer le respect par chacun d’entre eux des normes et engagements de l’organisation.
En consolidant ces mesures unitaires, on obtient l’appréciation globale de la qualité de service offerte par l’organisation.
Généralement, cette appréciation porte sur une série de critères mesurables et identifiés comme des facteurs-clés dans la qualité de service et la satisfaction du client. Les pré-requis avant de lancer une enquête client-mystère consistent donc à :
1 - identifier clairement les critères à mesurer,
2 - avoir une vue précise des objectifs à atteindre en terme de qualité pour chacun de ces critères ; cette formalisation peut découler des objectifs du management et de l’étude de l’importance comparée des critères pour les clients (à travers une enquête préalable). Elle peut également se baser utilement sur des mesures réalisées chez les principaux concurrents (par enquêtes-mystère ou enquêtes-clients).
3 - faire connaître à l’organisation les critères et les objectifs visés en prenant les dispositions nécessaires pour permettre leur atteinte (formation des collaborateurs, équipements, amélioration des procédures...).
Concernant ce troisième point, il faut se garder de faire porter le test sur des points perçus comme évidents par le management mais jamais communiqués au terrain. Aussi, pour optimiser leur démarche et la placer dans une optique de progrès, beaucoup d’organisations commencent par définir une charte qualité, avec des engagements clairs et mesurables. Ces éléments sont transmis aux collaborateurs sur le terrain qui savent alors sur quoi ils seront évalués. Ainsi, il est possible, après le test, de faire valoir les écarts entre les objectifs et les performances effectives, pour définir les actions correctives nécessaires.
Déroulement de la mesure
La réalisation d’une enquête client-mystère implique le recours à des enquêteurs spécialement formés à l’évaluation objective des critères observés dans la relation de la structure évaluée avec ses clients. Ces enquêteurs doivent être capables de se faire passer pour des clients habituels et évaluer de manière discrète, les points à tester, selon un protocole établi et maîtrisé en tous points.
Toute erreur qui révèle le statut de l’enquêteur invalide, par définition, la mesure. Outre le naturel, la discrétion et la bonne connaissance des procédures qui doivent être employées par le personnel pour répondre aux clients, les enquêteurs-mystère doivent avoir une mémoire fidèle puisqu’ils auront le plus souvent à retranscrire les résultats de leurs observations après la visite du point de vente.
L’enquête peut démarrer avant l’arrivée sur le point de vente par un contact téléphonique, pendant lequel l’enquêteur note par exemple le temps de réponse, la formule de politesse lors du décrochage, le temps pour être mis en relation avec le bon interlocuteur (ex : rayon “Micro-Informatique”) et la qualité de la réponse apportée au problème posé (ex : “Je veux échanger un CD-Rom acheté la semaine dernière”).
L’enquêteur peut ensuite se rendre dans le magasin. L’analyse peut démarrer avant d’entrer dans le magasin par l’observation de l’environnement, du parking, de la signalétique, du confort d’accès au point de vente...
Dans le magasin, les éléments évalués concernent généralement la propreté, l’organisation des locaux, la signalétique interne, la disponibilité des vendeurs, leur présentation vestimentaire (tenue réglementaire, badge...), leur manière de traiter le client et de répondre à ses demandes...
Le questionnaire que l’enquêteur doit renseigner comporte les critères à tester.
Il s’agit le plus souvent d’une check-list de points.
Pour chaque point, l’enquêteur doit noter la conformité avec le résultat attendu (conforme/non conforme) ou indiquer son appréciation (échelle en n points ou note). Ce questionnaire peut être sur papier.
Dans ce cas, il convient, si l’enquêteur doit le remplir discrètement sur le point de vente, de prévoir un petit format sur un support rigide, pouvant tenir en largeur dans la paume de la main. Certaines sociétés font remplir le questionnaire directement sur micro-ordinateur.
Dans ce cas, l’enquêteur peut être muni d’un ultra-portable à stylet, facile à utiliser en toutes circonstances (Palm Pilot, Psion, machine sous Windows CE...).
Enfin, on peut envisager de faire saisir à l’enquêteur les résultats de ses observations sur un micro-ordinateur fixe ou portable pour les transmettre ensuite, en vue de leur consolidation. Cette saisie est souvent effectuée à partir d’un support papier préalable, sauf dans le cadre d’opérations exclusivement téléphoniques, pendant lesquelles l’enquêteur doit veiller à ne pas faire entendre à ses interlocuteurs qu’il est en train de taper en même temps sur son clavier.
Pour cela, il convient d’utiliser des casques téléphoniques de qualité, offrant une bonne atténuation des bruits environnants.
Résultats obtenus
Les mesures recueillies donnent lieu généralement à deux grands types d’analyses :
le traitement individuel des observations par point de contact et l’analyse statistique globale des observations. Le premier type de résultats a pour objectif de fournir pour chaque point de contact audité une restitution à la fois synthétique et analytique des observations. Ce type d’analyse, en principe “déconseillé” par la charte de l’ICC/Esomar (voir page suivante), se révèle pourtant indispensable à notre avis et est, de fait, très largement pratiqué.
Ses effets pervers (notamment la possibilité d’identifier les personnes responsables d’un dysfonctionnement) peuvent être évités si l’on inscrit son exploitation dans une démarche de progrès plutôt que dans une optique de sanction.
Pour que cette restitution soit possible dès la fin de la saisie des données, l’idéal est de prévoir dans la structure du questionnaire des éléments d’aide au diagnostic. Un logiciel comme Ethnos permet, par exemple, l’association de scores aux différentes modalités de chaque question (ex : Très satisfait = 100, Satisfait = 75...). Ces valeurs permettent la production, d’une part, d’une note pondérée synthétique par question mais aussi le calcul automatique d’une note par groupe d’items (ex : notes pour un secteur du magasin). Il est alors possible de combiner les critères de plusieurs manières différentes pour disposer de plusieurs éclairages simultanément. La synthèse se présente donc sous la forme d’un ensemble de notes calculées automatiquement. Pour permettre l’analyse des observations et la mise en évidence des dysfonctionnements éventuels et des actions correctives nécessaires, il convient également de disposer d’un traitement plus qualitatif des données.
Pour cela, Ethnos offre une fonction très intéressante :
l’association à chaque modalité de réponse de phrases-types pour reformuler en termes clairs le sens de l’observation et pour fournir automatiquement un diagnostic et une orientation corrective correspondante. Ainsi, à la question “Les vendeurs portent-ils un badge ?”, la réponse “Non” peut se voir associer la traduction “Les vendeurs ne portent pas de badge” et l’action “Rappeler aux vendeurs que le port du badge est obligatoire dans le cadre de notre charte qualité”. Ces fonctions permettent ainsi de générer automatiquement et dès la fin de l’enquête, un rapport automatique rédigé en termes clairs et opérationnels. Ce rapport peut combiner les éléments synthétiques numériques et l’analyse plus qualitative. D’ailleurs, il est possible que la seconde soit partiellement issue de la première (ex : si note calculée globale < 50/100, on peut donner certaines recommandations et orientations). Dans certains cas, le rapport ainsi généré peut être remis immédiatement au responsable du point de contact audité. L’analyse statistique globale s’apparente au traitement classique d’enquêtes. Elle s’attache à présenter la situation pour chaque critère mesuré dans l’ensemble du réseau ou dans un groupe de points de contact. On peut pour cela produire des tris à plat par item, un croisement des éléments observés par le moment de l’observation ou le type de point de contact. Là aussi, il peut être utile d’utiliser le scoring pour disposer de valeurs faciles à comparer entre items et entre individus statistiques. Dans ce but, le “tri pondéré croisé 1XN scoré” d’Ethnos offre, malgré son nom alambiqué, des résultats remarquables et très opérationnels. Les valeurs pondérées sont affichées pour le croisement de chaque catégorie (ex : type de point de vente) avec les différents items observés (ex : accueil, ...). Ce type d’informations peut donner lieu à des représentations graphiques remarquables de clarté. L’analyse statistique globale peut être fournie à chaque point de vente. Encore plus efficace, chaque rapport peut comporter une comparaison des performances individuelles avec les performances du réseau ou des n premiers. L’obtention automatique de ce benchmarking nécessite l’utilisation de logiciels d’enquêtes sophistiqués comme Ethnos.
L'avis de l'expert
Mlle NGUYEN, responsable des études du BHV pratique régulièrement les enquêtes client-mystère. Pour elle, “Cette technique est très utile dès lors que ces mesures s’intègrent dans une démarche d'ensemble de mesure de la qualité de service, intégrant les deux autres éléments indispensables que sont le baromètre qualité et l'analyse des réclamations. Le baromètre, réalisé à grande échelle, mesure la qualité de service telle qu’elle est perçue par les clients et les standards de qualité tels qu'ils les souhaitent. Le baromètre permet en outre de se mesurer à la concurrence. L'enquête client mystère, même si elle est réalisée sur une échelle beaucoup plus réduite, n'en est pas moins tout aussi significative. En effet, elle s'appuie de manière très normée sur la charte de qualité de service, et mesure le comportement des agents au regard de ces normes. Enfin, l'analyse des réclamations permet de mettre en évidence les éventuels dysfonctionnements au niveau des procédures de mise en oeuvre de la qualité. Les trois approches sont complémentaires et indissociables, et l'on constate lorsqu'on les met en oeuvre de manière combinée que leurs résultats se recoupent, offrant ainsi aux décideurs un tableau de bord qualité particulièrement fiable.”
La Charte Internationale des Etudes Sociales et Marketing
Règles du jeu des enquêtes client-mystère
La déontologie que les professionnels des enquêtes clients-mystères se doivent d’observer (en principe) est basée sur les recommandations de la charte internationale publiée par l’ICC/ESOMAR : the International Code of Marketing and Social Research Practice.
Les principes de cette charte sont énoncés ici et sur le site Internet de l’ESOMAR à l’adresse www.esomar.nl/guidelines.
1) Les enquêtes client-mystère doivent être conçues de manière à perturber le moins possible les organisations étudiées. Les enquêteurs doivent en particulier s’attacher à limiter les pertes de temps ou d’argent occasionnées par leurs entretiens.
2) Les individus interrogés ou observés ne doivent pas être identifiables à partir des résultats de l’enquête. Selon ce principe, les rapports de résultats portent sur une analyse globale des données : une analyse par site ou établissement est de fait susceptible de permettre une identification du personnel, dans la mesure où certaines responsabilités sont souvent assumées par une seule personne au moment de l’entretien.
3) Les entretiens ne peuvent pas être enregistrés, quel que soit le support, sauf si l’individu interrogé donne son accord préalable, et que l’enregistrement ne permette pas de l’identifier. Dans tous les cas, ces enregistrements sont interdits s’ils risquent de lever l’anonymat des intervenants.
4) L’analyste qui dresse un rapport de résultat peut demander à un individu l’autorisation de l’étudier personnellement, en l’identifiant, à des fins de recherche. Cette autorisation doit strictement limiter l’utilisation d’informations personnelles dans le cadre d’une recherche. Ces renseignements individuels peuvent être communiqués à un autre analyste, mais en aucun cas au client final de l’étude.
L’enquête client-mystère menée sur l’organisation du client
Des enquêtes peuvent être menés auprès des différents sites ou services du client avec son autorisation. Cette autorisation demandée à l’avance doit préciser le coût de ces enquêtes pour le client en termes de temps et de ressources. De plus, il est recommandé de prévenir les salariés du client qu’une enquête doit être menée, sans en préciser le calendrier ni le modus operandi. Le personnel doit être informé des objectifs de l’enquête et assuré de l’anonymat absolu de ces enquêtes. Lorsque l’employé subit une perte de rémunération à cause de l’enquête client-mystère, une perte de commission par exemple, une compensation doit être prévue pour remédier à cette perte.
L’enquête client-mystère menée sur des organisations indépendantes du client
Des accords de branche existent dans certains domaines de l’industrie pour autoriser les enquêtes clients-mystères entre concurrents, afin d’améliorer globalement la qualité des services proposés par l’ensemble de la profession. Lorsque de tels accords sont inexistants, il est capital de limiter au minimum les pertes de temps ou d’argent occasionnées lors de chaque entretien. Ces seuils minimum varient selon la branche d’industrie ou de services et le pays, et concernent en général le rapport entre les temps consacrés à l’observation et à l’entretien. Une simple observation du fonctionnement est considérée comme inoffensive en termes de coûts pour l’organisation, dans la mesure où elle ne gêne pas son fonctionnement habituel. Les entretiens limités à 2 ou 3 minutes sont tolérés en général, ainsi que ceux pour lesquels un achat est effectué d’un montant suffisant par rapport à la durée de l’entretien et aux opérations induites pour l’organisation (courriers, brochures, ...). Dans les cas où aucune règle pratique n’a été mise en place, on considère que les limites à ne pas dépasser sont de 10 minutes dans l’industrie et le commerce de biens manufacturés (sauf automobile), et de 15 à 20 minutes dans le secteur tertiaire. Les enquêtes client-mystère menées auprès de personnes à leur compte, pour lesquelles le temps et les efforts fournis lors de l’entretien se traduisent directement par une perte de rémunération, doivent donner lieu à un remboursement proportionnel à cette perte, selon la profession.
mercoledì 21 settembre 2011
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