Portés par d'immenses acteurs (Marcello Mastroianni, Jean-Louis Trintignant, Nino Manfredi, Sophia Loren, Claudia Cardinale, Virna Lisi...), ces films populaires, dans lesquels un burlesque teinté de commedia dell'arte se conjugue avec une critique sociale férocement réaliste, se sont d'abord vu coller l'étiquette péjorative de "néoréalisme rose", avant d'être reconnus comme un genre à part entière (la "comédie à l'italienne") par la critique française. Presque oubliés en Italie, ils retrouvent chaque été les faveurs des Français.
"Il y a quelque chose qui semble être de l'ordre du métabolisme, une alchimie qui fonctionne entre l'été et ces films légers, solaires, même s'ils ont tous un fond très social", suggère Ronald Chammah. Grand cinéphile d'origine italienne, ce réalisateur, producteur et restaurateur de films, qui partage sa vie avec Isabelle Huppert, a oeuvré sans le chercher à cette mode. Après avoir ressuscité avec succès Wanda de Barbara Loden en 2003, il réitéra l'expérience avec une des chefs-d'oeuvre italiens oubliés.
"L'AIR DU TEMPS"
Fouillant dans sa mémoire, il en identifie quelques-uns, puis entreprend d'en acquérir les droits, de les restaurer, et de les sortir en salle et en DVD en partenariat avec d'autres distributeurs et éditeurs. Il y eut d'abord La Fille à la valise, de Valerio Zurlini, sorti en 2005 avec Gemini Films, puis, en collaboration avec Ad Vitam, Eté violent, du même Zurlini, Le Jardin des Finzi-Contini, de Vittorio de Sica, et aujourd'hui Divorce à l'italienne, de Pietro Germi. La priorité est donnée à des films "peut-être connus, mais qui n'ont pas été vus depuis très longtemps, ni au cinéma ni à la télévision et de les sortir comme des exclusivités, avec une nouvelle affiche, un nouveau dossier de presse, et, quand c'est possible, une personne encore vivante ayant collaboré au film associée à la promotion".
Alors que les films de patrimoine américain fédèrent de moins en moins de spectateurs en salle, ces productions italiennes ravissent le public. 30 000 entrées pour La Fille à la valise en 2005, 60 000 pour Le Jardin des Finzi-Contini en 2007... "Il y a là quelque chose qui a peut-être à voir avec l'air du temps, avance Vincent-Paul Boncourt, fondateur de Carlotta films, très actif dans la réédition de films italiens. Ils associent le glamour des stars de l'époque, des thématiques sociales très noires, le tout couvert de comédie et répondant donc au besoin qu'ont les gens de rire."
Historien du cinéma, auteur notamment de La Comédie italienne (Veyrier, 1983), Jean Gili analyse ce succès comme lié "au fait que le cinéma italien a conservé une image forte liée à sa riche histoire, et au fait qu'il fut très présent sur les écrans français jusqu'aux années 1970 incluses. Et ces films qui ressortent sont à peu près tous des chefs-d'oeuvre : ils ont une telle réputation que des jeunes qui ne les connaissent pas vont les voir".
Ce phénomène est par ailleurs concomitant d'une récente renaissance du cinéma italien, note-t-il. Mais il se construit d'une certaine façon contre lui.
Si l'on a vu en France des films comme Gomorra, de Matteo Garrone, Il Divo, de Paolo Sorrentino, tous deux sélectionnés à Cannes, ou encore Le Déjeuner du 15 août, de Gianni Di Gregorio et produit par Matteo Garrone, l'historien déplore que le bouillonnement qu'il constate ne soit pas mieux perçu en France. "Alors que le succès de ces films prouve qu'il y a une vraie demande, les distributeurs ne veulent pas se risquer sur ce terrain. Cette frilosité contribue à perpétuer le préjugé selon lequel le cinéma italien ne pourrait se conjuguer qu'au passé."
Mais les choses pourraient changer. Tandis que les puissances publiques des deux pays réfléchissent à réviser leurs accords de coproduction, qu'un nouvel atelier de scénaristes franco-italiens (la villa Farnese) a été lancé cette année à Cannes, on se prend à rêver d'un modèle de collaboration qui favoriserait la diffusion des films et la notoriété des acteurs des deux côtés des Alpes. Comme à la grande époque des coproductions franco-italiennes. 'été 2009 sera italien. Dans les salles de cinéma d'art et d'essai, du moins, qui s'apprêtent à voir déferler une volée de films des années 1950 à 1970. On peut déjà se replonger dans les oeuvres d'épouvante de Mario Bava (Le Monde du 22 juin), ou dans Une journée particulière, mélodrame sur fond de fascisme d'Ettore Scola. Mais le gros de l'arrivage concerne la comédie.